| | Les animaux sont souvent prétextes à exprimer nos émotions. Olga Sedakova, plus grand poète russe vivant, les utilise, dans "Les métamorphoses d'Olia", pour matérialiser, avec une certaine magie, la colère, la peur, la déception et le bonheur d'un matin calme. Un album à l'atmosphère "seventies" que rend parfaitement l'illustratrice Gabriella Giandelli.
"Bête comme une oie", "la carotte qui fait avancer l'âne", "se faire plumer comme un pigeon", "avoir du chien", "donner sa langue au chat"... La langue française est riche d'expressions où les animaux tiennent le haut du panier. Olga Sedakova, considérée comme le plus grand poète russe vivant, à 65 ans, va encore plus loin dans Les métamorphoses d'Olia: dans cet album, la petite Olia manifeste ses émotions en se transformant. Pas d'anamorphose, non: du seul fait de sa volonté, elle devient un animal, fait disparaître son humanité, s'adapte à l'écosystème ambiant. Et son entourage n'y comprend plus rien.
Ca commence avec une colère contre maman: Olia file dans sa chambre et se transforme en... poule. Ainsi, elle caquète. Une autre fois, tante Maroussia veut lui laver les pieds dans la baignoire. Mais Olia déteste les chatouilles à cet endroit. Elle devient donc... une carpe. Un soir que les adultes parlent entre eux, pour se faire remarquer, Olia se métamorphose en un ours de l'Himalaya. Imaginez leur peur! Les métamorphoses continuent jusqu'à la colère noire, celle où Olia devient un orage et un éclair. Là, les parents comprennent enfin. Ce qui est loin de leur plaire.
La magie de cette histoire, c'est qu'elle met en avant l'imagination des enfants: après tout, lorsqu'on est petit, on peut bien décider de devenir un oiseau de paradis et chanter à tue-tête, un petit chien, pour se faire des amis au parc... Tous les adultes sourieront de cette spontanéité, ils ne la trouveront nullement ridicule.
Gabriella Giandelli, auteur de BD, illustratrice de journaux, auteur de livres jeunesse et de pochettes de disques, place ce texte traduit du russe par Odile Belkeddar dans un univers très seventies, crayonnés intenses, cols roulés et pattes d'eph', décoration passe-partout. Il faut faire attention à la quatrième de couverture, où Olia a grandi, et est passée à une autre métamorphose.
Dans ce texte qui garde tout son caractère de l'Est, Olga Sedakova livre simplement un secret, avec toute la poésie des allégories: grandir, c'est tout un bestiaire.
Karine Frelin, 26/06/2014, Estrepublicain.fr |
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